1- Née à Busan, elle n’est ni la plus jeune ni la plus vieille de la famille, mais elle a toujours été la seule fille entre un grand et un petit frère. Ils vivent étroitement leur petite enfance avant que la famille ne déménage pour Matara, le fleuron de l’industrie pour y installer la base du monstre d’entreprise que construisait son père. Mais les jours étaient quand même beaux et les nuits étaient quand même bercées de jolis contes au creux du lit. Ca n’avait rien de grave de déménager parce qu’autant qu’elle s’en souvienne, elle ne connaissait plus rien de Busan.

2- Depuis toute petite, ChungCha chante. Elle chante sous la douche, en allant chercher le pain, devant ses devoirs. Ça a toujours eu quelque chose qui lui réchauffait le cœur. On l’avait inscrite à des cours, du chant lyrique, celui qui se fait entendre jusqu’au plus loin, et elle avait toujours été douée avec cette voix que l’univers lui avait offerte. Dès que ses pieds foulaient une scène elle se sentait chez elle, comme si elle avait toujours fait ça - dans une autre vie peut être ? Une douce chaleur l’irriguait et elle ne pouvait s’empêcher de sourire et ce depuis qu’elle avait commencé les cours de chant. Puis un jour, le concours régional. Sa mère lui avait acheté la plus jolie robe pour l’occasion, elle en était toute fière dans les coulisses. Elle était montée sur les planches, s’était sentie au mieux. Arrêtée au milieu de la scène, elle s’était tournée vers le public et les lumières l’avaient étourdies. La chaleur avait fait place à la froideur qu’elle imaginait sur les visages en face d’elle. Son ventre s’était tordu - c’était donc ça le trac ? - et avant qu’un son n’ait pu sortir de sa bouche elle avait vomi devant tout le monde. A sept ans, c'était sûrement le moment le plus humiliant de sa vie.

3- La petite fille n’avait plus voulu monter sur scène, elle en avait trop peur alors même que les planches étaient sa plus grande source de joie. Ses parents, qui la voyaient déjà cantatrice, avaient aussi très vite abandonné l’affaire, se disant qu’elle aurait le temps de trouver une autre voie. Ils espéraient la voir très vite s’engager dans une voie scientifique comme l’avait fait son grand frère, ce serait bon pour les affaires du père. Mais voilà, ChungCha ne pensait à rien d’autre qu’à la scène et qu’à chanter même si elle en était incapable. Elle s'entraînait dans sa chambre, regardait comment les artistes arrivaient à être courageux et à se donner en spectacle devant des milliers de gens. Elle aurait voulu être aussi courageuse, au moins s’en donner les moyens, mais ça avait l’air injuste.

4- A force de se forcer, elle y arrivait un peu plus. Sans vraiment qu’ils ne soient emballés, elle avait,à treize ans, demandé l’autorisation à ses parents pour auditionner dans une agence. Ses frères non plus n’étaient pas des plus convaincus, mais ils savaient que quand elle voulait faire quelque chose il valait mieux ne rien dire. Elle s'entraînait tous les jours, et même si ça pesait sur ses notes à l’école, elle persistait, persuadée l’air de rien qu’en travaillant la peur s’en irait. Elle ne saurait pas trop comment expliquer que même le soir dans sa chambre, au lieu de dormir, elle continuait de danser sans bruit pour laisser les autres dormir alors même qu’elle savait que jamais une fille qui avait le trac pourrait devenir une idol. Comme une jeune fille avec le trac ne pourrait jamais devenir cantatrice. Son nouveau rêve finirait par se briser, mais elle ne pouvait pas renoncer. La demoiselle voulait encore ressentir la douce chaleur que lui procurait la scène, elle voulait juste retourner chez elle, c’était le seul endroit qui lui en donnait le sentiment.

5- ChungCha avait dû réussir à se faire assez violence pour réussir à se faire repérer pour débuter. Mais la bataille n’était pas terminée, si la plupart des membres du groupe en préparation avaient été choisies, la plus jeune savait qu’on hésitait pour elle, qu’une autre fille pouvait avoir la place. Il était trop tôt pour dire qu’il s’agissait de sa place. Lors d’une ultime audition, un dernier examen pour laisser les producteurs faire leur choix, elle en aurait presque pleuré de ces yeux qui la scrutaient. En rentrant chez elle, elle s’était désespérée du fait que ce ne serait jamais elle, Hestia. La jeune fille repensait aux derniers mots qu’elle avait eu devant le jury qui déciderait de son avenir, peut-être trop naturelle, ça n’allait jamais passer. Et pourtant, le téléphone de la maison avait sonné et on lui avait annoncé la bonne nouvelle. Dans son ventre, il y avait quand même l’impression d’avoir piqué la place de quelqu’un qui s’en serait mieux sorti.

6- Enfin, ChungCha avait retrouvé la scène, son cocon confortable. C’était comme un lointain souvenir, elle avait toujours fait ça, monter sur scène. Son ventre lui rappelait à chaque regard qu’elle posait sur un visage, qu’elle était terrifiée par tous ces gens qui la regardaient. Elle avait toujours peur de tout oublier rien qu’en croisant des yeux. Mais jusque-là, elle n’avait pas vomi sur scène comme dans son enfance, même si ça l’avait longtemps menacé. C’était sorti avant, après, mais bien heureusement jamais pendant. ChungCha se sentait mieux parce qu’elle avait du monde à ses côtés, qui rattraperaient ses erreurs si jamais. Mais elle osait moins parler devant un public, quand la musique s’arrêtait, elle se sentait moins confiante. Elle se faisait plus petite, non définitivement elle ne pouvait pas se sentir seule sur scène.

7- Olympea et Olympus, ChungCha voyait ça comme une grande famille dont elle était la plus petite sœur. C’était rassurant de cette manière, quand finalement elle ne savait pas si elle était prête à quitter la maison familiale dès 15 ans. Elle s’était vite montrée très affectueuse envers les autres filles d’Olympea, par admiration et bon sens elle voulait que ça se passe bien, mais la plupart de ses tentatives de chaleur étaient maladroites. C’était l’histoire du gâteau d’anniversaire qu’elle avait fait brûler dans le four, celle des vêtements qu’elle avait fait rétrécir en voulant faire une lessive générale, une histoire de chaos à la maison même si elle essayait de bien faire. Une facette que les fans pouvaient apercevoir quand elle faisait n’importe quoi dans le dos de tout le monde mais dont ils ne se douteraient jamais que c’est ce qui fait la particularité de la jeune fille aussi timide et réservée paraît-elle.

8- Si la jeune fille, même si c’était un peu utopique, voyait l’ensemble des deux groupes comme une grande famille, c’était surtout Olympea son ensemble de sœurs. Mais la perte de l’un des dieux affectait tout le monde, surtout Aphrodite, la belle que tout le monde suivait. ChungCha n’a jamais connu une douleur aussi profonde que celle de sa leader, elle ne pouvait pas comprendre à quel point c’était douloureux pour elle. Elle voulait simplement pouvoir soulager au mieux sa peine, elle était peut être trop jeune pour ça, ou bien, pas assez mature.

9- Une fois son diplôme de fin de lycée en poche, son père lui avait rappelé son devoir familial et avait essayé de la ramener à chaque réunion du comité d’entreprise. Il a aussi tenu à lui rappeler qu’il fallait s’assurer un diplôme d’enseignement supérieur, pour un au cas où, auquel elle ne pensait pas. Par dépit plus que par envie, elle suit une licence de communication, mais elle est déjà en train de refaire sa première année parce que l’intérêt qu’elle lui porte est vraiment moindre. Plusieurs fois dans la semaine elle reçoit un coup de fil de sa mère qui se charge de faire l’état des lieux de son avancée. Ca ressemble plus à une heure de sermons dont la demoiselle n’a rien à faire. Il n’y avait rien qui ne l’attirait plus que la scène.

10- La musique l’ayant toujours passionnée, depuis petite, ChungCha avait toujours appris à jouer du piano et de la guitare. Ça l'avait toujours amusé de créer des mélodies par improvisation. C’est dernier temps, pour éviter le plus possible les responsabilités et le travail sur sa licence, elle avait commencé à apprendre à utiliser un logiciel de composition. Ce serait incroyable de les faire écouter à quelqu’un, mais de toute façon ça la gênerait trop. Retour d’une fichue angoisse qui ne la quittait jamais alors même qu’elle voulait se convaincre que rien n’avait d’importance. C’était son petit truc du soir quand elle n’arrivait pas à dormir, elle mettait son casque sur ses oreilles, les yeux devant son écran et un bol de fruits rouges.